Docteur en histoire et ancien directeur du Service Historique de la Défense, Max Schiavon a ici produit un très bel ouvrage, d’autant plus intéressant qu’il revient sur une guerre que l’on peut certes citer comme exemple d’une contre-insurrection réussie, mais dont on ne connaît guère plus que le nom d’Abd El Krim. Comme le souligne G-H. Soutou dans la préface, les enjeux sont majeurs au plan intérieur (les débats en France ; Lyautey évincé au profit de Pétain ; le début de la fin de l’empire) comme international (le réveil du monde arabe).

M. Schiavon nous offre ainsi un état de l’art historique d’autant plus intéressant qu’il s’est appuyé sur des sources inédites, l’ensemble étant parfaitement contextualisé et écrit clairement, en prenant également en compte la modernité du conflit par rapport à son temps (l’usage de chars et de l’aviation).

Mais au-delà, l’ouvrage est important pour toute personne s’intéressant à la stratégie : derrière l’opposition entre Lyautey et Pétain, il y a celle entre deux modes d’action… que l’on qualifierait aujourd’hui de « population centrique » et d’« ennemi-centrique » et qui ont formé une partie de la trame des débats autour des questions afghane et irakienne.

Il y a également une vraie question de guerre hybride : Abd El Krim rassemble les tribus, le plus souvent combattives ; reçoit de l’aide de pays hostiles à la France ; et récupère de gros volumes d’armements sur les Espagnols qu’il bat en 1921. Il bénéficie en outre souvent de l’avantage du terrain. Quand il attaque les postes français en 1925, l’enjeu est de tenir face à des renforts qui arrivent au compte-gouttes.

Mais Abd El Krim commet également beaucoup d’erreurs, tactiques comme stratégiques, et ses forces sont écrasées avec une force qui finit par devenir disproportionnée et son projet échoue. In fine, l’auteur nous livre donc un très beau travail de recherche prenant en compte l’ensemble des aspects liés au conflit. Un ouvrage que l’on n’hésite donc pas à recommander.